Il est encore difficile de dresser un constat définitif de l’impact de la pandémie sur l’épargne en immobilier commercial, écrit Gustav Sondén, cofondateur de Colbr. Une chose est certaine : du fait des mutations à venir dans le secteur immobilier, les épargnants vont devoir réétudier leurs stratégies de placement.
Alors que se profile un nouveau tour de vis sanitaire, l’immobilier commercial n’en finit plus de subir les conséquences de la pandémie avec les fermetures administratives répétées et la généralisation du télétravail. Après une année 2020, marquée par une chute brutale de 23 % des investissements européens, une baisse inédite de 41 % de la demande de bureaux et la généralisation de nouveaux usages par la digitalisation globale, nous constatons que les premiers ajustements de marché se mettent en place.
Souvent présenté comme « stable » ou « peu volatile », l’immobilier est aussi parfois victime de son inertie. La pandémie n’a pas fait exception avec une nette baisse des transactions sans conséquence réelle sur les prix, restés plutôt stables. Cette tendance s’est aussi vérifiée sur les quelque 91 milliards d’euros que représente l’épargne immobilière non cotée tels que les sociétés civiles de placement immobilier (SCPI) et les Organisme de placement collectif immobilier (OPCI) grand public.
Les foncières cotées (SIIC) ont décroché de près de 29 % par rapport aux SCPI et de 25 % par rapport aux OPCI en 2020.
Pourtant, dans le même temps, malgré des sous-jacents quasi-identiques, les foncières cotées (SIIC) ont décroché de près de 29 % par rapport aux SCPI et de 25 % par rapport aux OPCI en 2020 ! Ces écarts de valorisation ne s’expliquant pas, par des fondamentaux économiques, il est donc nécessaire de s’intéresser aux méthodes de valorisation qui les distinguent. D’un côté les SIIC cotées en Bourse, voient leurs prix librement fixés en fonction de l’offre et de la demande. De l’autre, les fonds non cotés avec les SCPI et les OPCI ont leur prix de part fixé par les sociétés de gestion elles-mêmes, sur la base d’expertises menées par des experts indépendants. Les expertises étant commandées au 31 décembre de l’année N-1 de leur commercialisation, il existe donc un retard structurel de valorisation pouvant créer des écarts de prix injustifiés. En outre, les sociétés gérant les SCPI & OPCI bénéficient d’une souplesse additionnelle pour fixer leur prix des parts allant de 10 % (plus ou moins) de la valeur des dernières expertises réalisées, minorée des dettes éventuelles.
Stabilité en trompe-l’oeil
Comme les valorisations, les rendements ont également évolué de manière assez étonnante. En effet, les foncières cotées tricolores ont vu leurs dividendes décrocher de près de 20 % par rapport à leurs homologues non cotés. Là encore, ces décalages de valorisation sont difficilement explicables d’un point de vue purement économique. Pour les comprendre il faut donc s’intéresser à la méthode d’analyse retenue.
En ce qui concerne les SIIC, le panel observé était identique entre 2019 et 2020. Alors que dans le même temps, un certain nombre de SCPI et d’OPCI ont été créés. Ce point est notable car ces nouvelles arrivantes ont largement contribué au maintien de la performance affichée et n’ont pas eu à subir, comme certains fonds historiques, les conséquences de la pandémie. En outre, il est important de souligner, que les nouvelles venues peuvent communiquer sur leur performance des quelques mois d’exercice en « annualisant » leur performance. Enfin elles ont aussi pu compter sur leurs importantes réserves « le report à nouveau » pour compenser quand c’était nécessaire.
S’il apparaît difficile de dresser un constat définitif de l’impact de la pandémie sur l’épargne en immobilier commercial, on peut en revanche d’ores et déjà constater d’importants écarts entre les différentes typologies de produits qui soulignent un véritable « mispricing » : soit une survalorisation des SCPI, soit une sous-valorisation des SIIC.
Mutation durable
L’immobilier commercial, au sens large, a donc été touché par la crise de plein fouet. De nombreuses questions structurelles se sont posées sur son avenir. Certains évènements ont marqué des tournants importants dans l’histoire du bureau avec par exemple : la renonciation au bail de Pinterest pour 90 millions de dollars, la généralisation du télétravail chez PSA ou Facebook ou encore la transformation digitale accélérée par des nouveaux champions comme Zoom et Teams. Dans le même temps, le commerce a lui aussi accéléré sa mue en voyant la part du e-commerce augmenter de près de 9 % en France pour atteindre une part de marché de 13,4 %.
Si ces chiffres n’annoncent en rien la mort définitive du commerce et du bureau, ils induisent en revanche, une vraie mutation durable qui devrait, une fois le flux de liquidité stoppé, sérieusement fragiliser certains locataires. L’Institut d’épargne immobilière et foncière anticipe d’ailleurs une réduction du parc immobilier tertiaire pouvant représenter jusqu’à — 11,8 % d’ici 10 ans. Ce qui devrait tout de même se faire ressentir dans les valorisations, principalement des patrimoines les plus faibles.
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Enfin, dans l’immobilier comme dans tous les secteurs de l’économie, il y a également eu des grands gagnants dans cette crise. Parmi eux, des gagnants « croissance » avec l’immobilier logistique ou les data centers et des gagnants « contra-cyclique » boostés par la notion de première nécessité : le résidentiel et la santé. Ces secteurs ont tous battu des records en termes de collecte en 2020 et ont entamé l’année 2021 avec la même dynamique.
L’enjeu pour les épargnants sera donc non seulement d’investir au bon prix, mais également dans les meilleurs actifs en tirant profit de la volatilité des marchés financiers. Qu’il s’agisse d’immobilier commercial « classique », de résidentiel ou de santé, il sera alors nécessaire de bien sélectionner les produits en fonction de la qualité de leur gestion et de la profondeur de marché.